Galerie Marie-José Degrelle
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Proving Ground
Du 27 avril au 16 juin 2012
ligne Jonathan Loppin
   
Identité de genre
 
Les périodes de guerre sont à l’origine de formes architecturales déterminées par leur fonction à un moment donné. Ces formes, faites pour résister, perdurent ; mais elles perdent aussi leur fonction, donc leur sens, avec le changement des armes, des techniques, des stratégies d’attaque et de défense. Elles deviennent alors, pour un regard contemporain, des formes incongrues – gratuites – s’apparentant à des sculptures.


  Identité de genre  
 

Dans une petite pièce, en bas de l’escalier, une forme ambiguë vous attend : ses dimensions, son socle, les matériaux qui la composent pourraient en faire aussi bien une sculpture qu’une maquette, un dessin qu’un volume. Point de vue semble figurer une architecture existante ; une architecture dont la qualité plastique serait telle, toutefois, qu’elle serait une forme en soi, une sculpture – si ce n’est une fente, meurtrière horizontale, qui vous renvoie à un regard : maquette, sculpture ou dessin, la forme est un point d’observation, le point de départ d’un regard et donc la construction d’un point de vue, d’un paysage, d’une image –
De face, quand vous entrez dans l’espace que ce palier introduit, vous découvrez ensuite, une façade ----- puis, une autre, entr’aperçue par les ouvertures (fenêtres, portes) de la première ----- puis une troisième. Elles sont minces, installées frontalement, dans une matière que vous reconnaissez peut-être, identique à celle de meubles bon marché que vous avez sans doute montés un jour. Intitulées Japanese Model, elles ressemblent à des maisons japonaises ; elles ressemblent du moins à des façades de maisons japonaises ; elles y ressemblent – mais l’effort de mimésis s’est suspendu à l’échelle, invraisemblable et troublante : adulte, vous êtes beaucoup trop grand, enfant, vous êtes trop petit. Vous ne pouvez y être qu’intrus, regard dont le corps ne sait où se mettre, incapable de se glisser dans cette image au format inadéquat –
Les contournant, vous apercevez un peu plus loin six maquettes d’un blanc-gris, dont les dimensions reconnaissables vous semblent presque rassurantes. Presque. Car, les dominant, les observant, les étudiant à loisir, vous constatez qu’elles ont été brisées. A plusieurs reprises. En plusieurs endroits. Les éclats sont parfois importants, laissant des toits béer sur le vide ; révélant leur mode de fabrication, ainsi mis à nu. Là encore donc, le jeu de la mimésis se défait – ou plutôt est défait par l’artiste, Jonathan Loppin, comme un échec qu’il lui imposerait. Vous êtes face à une image, une illusion, une représentation ; une série d’écrans sur lesquels l’histoire vient se projeter ---- l’histoire d’une défaite dont vous ne savez plus bien qui en est le vainqueur.
Alignées au-dessus de German Model, d’autres images évoquent d’autres surfaces : vues aériennes du désert de l’Utah, quadrillé pour des tests de bombes chimiques, sans horizons. Votre regard erre peut-être, car à la surface de cette surface double (celle de l’image, celle du paysage) rien ne semble faire relief, sinon peut-être une allusion – ironique ? – à l’abstraction américaine, qui, quelques années plus tard, bouleversera les valeurs du monde de l’art, faisant basculer les maîtres de l’Europe aux Etats-Unis…
Revenant sur vos pas, vous croisez la forme énigmatique, transparente et à jamais aveugle, du bunker d’observation – point de vue –

 
     
  Jonathan Loppin est né en 1977.
Diplômé de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris (ENSBA), il vit et travaille à Paris et à Rouen.
 
 
 


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