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Agnès Thurnauer
Identité de genre
ligne du 13 janvier au 3 mars 2012

Identité de genre

 

Agnès Thurnauer
Identité de genre
Interview de Stéphanie Verger Journal L’Union


- Vous êtes particulièrement sensible à la place des femmes dans l'histoire de l'art, vous définissez-vous comme une artiste féministe ?

En tant que femme, je suis féministe. En tant qu'artiste, je suis artiste. Peintre plus exactement. Etre féministe est un état de fait dans une société où les inégalités perdurent entre le statut des femmes et celui des hommes. Je pense qu'on est "obligatoirement" féministe! Et que le terme a évolué, ne passant pas forcément par une lutte mais par une conscience agissante quotidienne. Pas "contre" les hommes, mais "avec", dans une dynamique de rééquilibrage et de respect mutuel. 
Dans mon travail d'artiste, qui est un travail de peintre, j'ai voulu représenter ce champ de l'histoire de l'art dont les femmes ont été en grande partie absentes pendant des siècles. Pour figurer cette absence, j'ai inversé le genre des prénoms des artistes majeurs de l'histoire, du 12ème au 20ème siècle. En créant la forme opposée- et complémentaire- à celle existante, j'ai mis en lumière cette absence. Souvent les gens ne réalisent cet état de fait qu'en regardant cette oeuvre. Soudain ils peuvent se le figurer, se le représenter. La peinture donne à voir, par essence. Avec toute une palette de possibles, de l'abstraction à la figuration.

- Qu'est-ce qui vous a décidé à participer à Identité de genre ?

La rencontre avec Camille Pontallier. J'ai été instantanément intéressée par son histoire, sa métamorphose, et pour reprendre le titre d'un livre passionnant de Catherine Grenier sur Dali, cette question de "L'invention de soi". Car accéder à sa propre identité, se révéler à soi-même peut ainsi passer par le fait de changer de sexe. La question du genre est aussi une question de création. Comme celle de l'identité. Qui nous sommes, comment nous évoluons et quelle est notre capacité à faire de nous-même ce "médium malléable", cette matière que nous métamorphosons au fil du temps et de nos expériences. "Deviens ce que tu es" dit Nietzsche. L'être est un organisme en devenir et en faire un enjeu de création est sans doutes la plus belle façon d'être vivant.

- Quelle peut-être, selon vous, la place des peintres, des plasticiens, dans le débat sur le genre et le transgenre ?

Je crois qu'aucune oeuvre ne peut servir de porte-parole à une cause, aussi importante soit elle. Car l'art est irréductible à autre chose qu'à lui-même. C'est ce qui fait sa force. Mais l'oeuvre peut s'intéresser à des sujets comme le genre et y apporter un nouvel éclairage. Elle peut alors entrer en résonance avec des paroles plus sociales ou politiques et alimenter une dynamique de réflexion. L'art peut servir d'accélérateur des mentalités. Mais pour moi la place des artistes est d'abord dans leur travail. Il suffit de penser à Guernica de Picasso. C'est à la fois un tableau central dans son oeuvre picturale, d'une grande inventivité et d'une grande puissance plastique, et un manifeste extraordinaire contre le barbarie de l'oppression et pour la liberté des peuples! Je crois qu'on ne travaille pas "sur" un sujet, on travaille "avec" ce qui nous sensibilise. 

- Vous participez à elles@centrepompidou, à Identité de genre : les artistes femmes doivent-elles se regrouper pour être plus fortes ?

Non. Elles n'ont pas besoin de se regrouper pour être fortes! Un ou une artiste c'est une force en soi. Par contre le regroupement peut faire sens. Comme ce fut le cas pour elles@centrepompidou. La relecture de l'histoire de l'art moderne et contemporaine par le prisme du genre a permis de mesurer la vivacité et la pertinence du travail des artistes femmes qui pendant longtemps ont été peu ou pas exposées. On découvre actuellement entre Bruxelles et New-York Alina Szapocznikow, une artiste polonaise qui a pourtant longtemps vécu en France mais n'avait été montrée que dans son pays. L’histoire de l’art continue de s’écrire sans cesse. Cela passe par des découvertes et des expositions, parfois plus centrées car c'est aussi une façon de marquer les esprits. Identité de genre aurait pu inclure des artistes hommes. Cette question reste ouverte. Mais c'était le choix de Camille et c'est bien ainsi. Une exposition est une forme qui fait acte à un moment donné. C'est une proposition qui ouvre le débat- si débat il y a- en commençant par ouvrir les yeux!  C'est ce que fait l'art : donner à voir.


     
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Agnès Thurnauer
Identité de genre
Communiqué de presse

C’est à l’occasion de l’exposition Identité de genre qu’Agnès Thurnauer a répondu à l’invitation de la galerie Marie-José Degrelle.
L’artiste présente ici un ensemble de huit « Big-big et Bang-bang », série qu’elle a commencée en 1995 et qui parcourt tout son travail depuis.
Ces formes anthropomorphes, à mi-chemin entre la figure et l’abstraction, à mi-chemin entre l’espace où nous les regardons et ce devant quoi elles se tiennent, sont à la fois nos doubles et nos intermédiaires vers la peinture. Elles incarnent l’intemporalité du regard, dont Agnès Thurnauer dit souvent qu’il est contemporain du tableau sur lequel il se pose. L’époque à laquelle l’œuvre a été produite compte parfois moins que la façon qu’elle a de nous parler à l’instant où l’on pose ses yeux dessus. Les « Big-big et Bang-bang » se présentent ainsi, formés d’une simple ligne à la facture rugueuse qui détermine un creux dans lequel l’esprit peut venir se lover,  réceptacles  postés devant des zones de couleur dont la matière évolue avec le temps et qui se condensent aussi autour de mots. « Now, When, Then » sont trois façons de parler de la rencontre avec une œuvre. Et d’une façon plus générale, de notre présence devant l’instant.
« Cette forme au contour plus franc que son intérieur apparaît comme le motif récurrent et principal du langage de la toile, premier élément d’un vocabulaire plastique sans cesses actualisé » écrit Clément Dirié (1). En effet, on peut voir aujourd’hui ces formes comme les premières syllabes d’un langage pictural que l’artiste n’a cessé d’enrichir depuis. « Pour dire une chose il faut deux voix au moins, car celui qui la dit c’est toujours l’autre », dit Maurice Blanchot. Les « Big-big et Bang-bang » sont le plus souvent deux. Le double est central dans le travail d’Agnès Thurnauer,  car on s’adresse toujours à quelqu’un, le peintre à son médium, le tableau à son regardeur… Dans cette  articulation de soi à l’autre réside l’essence du regard et de cette réciprocité qui fait que l’on se projette dans une œuvre, comme l’œuvre prend place en soi.
Dans la petite salle, sont réunis un « Portrait Grandeur Nature » rendant hommage à Roman Opalka et quatre dessins sur toile. Le Portrait fait partie de ce grand « work in progress » initié en 2005 et traitant de l’absence quasi générale d’artistes femmes dans le champ de l’histoire de l’art, du 12ème au 20ème siècle,  en utilisant l’inversion du genre des prénoms, non sans évoquer cette philosophie de l’inverse ou « versatilité  complémentaire »  propre à l’artiste Elaine Sturtevant.  Ces tondis sont inspirés d’un « Autoportrait » du Parmesan, peintre italien du 16ème siècle, où l’artiste s’est représenté en buste, sur une demi sphère en bois. Le format des Portraits reprend cette tradition en substituant la figure par le nom.
Les dessins sur toile relèvent  également d’une pratique récurrente depuis des années. Dans ces formats récents,  Agnès Thurnauer interroge le temps de travail puisque les oeuvres sont réalisées avec des crayons aquarelles dans du médium humide posé sur la toile. L’artiste peut dessiner ainsi jusqu’à ce que le médium ait séché. Après, le pigment n’adhère plus au support. Le temps de travail  formate ainsi l’œuvre. Le mot « Now » est tenu suspendu dans les entrelacs du dessin. Ces dessins sont pour Agnès Thurnauer une façon de saisir le rapport du peintre à l’espace et au temps, en en condensant ainsi l’éternelle intrication.

Agnès Thurnauer a fait de nombreuses expositions personnelles en France et à l’étranger. Ces œuvres font partie de grandes collections publiques comme le centre Georges Pompidou, le musée des Beaux-arts d’Angers, le musée d’Unterlinden à Colmar. Elle expose prochainement à Baku en Azerbaidjan  et à Seattle aux Etats-Unis, où est exposée une partie de elles@centrepompidou.

  1. Clément Dirié, in « Agnès Thurnauer, Now »,  Monographik éditions, 1998 
   
  À voir sur ARTE CREATIVE :

La Collection : Agnès Thurnauer ou "le surgissement de l'être peinture"


 

     

 

 

   

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